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15min avec DJ Duke

28 décembre 2013, le Père Noël m’a apporté mon cadeau avec quelques jours de retard: 15 minutes en tête à tête avec DJ Duke, à l’occasion de sa venue à Genève pour une soirée History of Black Music au Chat Noir.

15 minutes, c’est bien trop court pour l’écouter me parler du nombre incalculable d’artistes mythiques avec lesquels il a collaboré: De La Soul, Dee Nasty, Cut Killer, Supernatural (pour ne citer qu’eux) pourtant je damnerai pour connaître tous les détails de chaque rencontre. A tout hasard, je « balance » cette première question: s’il devait retenir une seule rencontre, un seul moment, lequel serait-il hormis sa rencontre déterminante avec Dee Nasty? « dur, dur… c’est impossible de répondre. Chaque moment semble extraordinaire, puis un autre arrive et le dépasse. Dee Nasty est un déclic c’est certain, mais je serai bien incapable de te citer même un top 15 parmi tous les artistes dans le monde avec lesquels j’ai pu collaborer« . Réponse logique, je m’y attendais un peu… Mais alors quel est le Big secret d’un tel parcours? Comment arrive-t-on un jour à partir d’une seule rencontre à traverser le monde avec ses platines? « A la base, il y a la musique. Donc tu sors pour l’écouter, la découvrir. Le hasard a fait que j’ai assisté à une performance de Dee Nasty. Si j’avais déjà entendu parler de lui et que j’étais familier avec le scratch, il m’a donné envie d’essayer. A l’époque, j’étais plus attiré par le graffiti, j’ai même été rappeur. A partir de là, les rencontres se font par la force du travail. Il n’y a finalement pas de hasard: tu bosses, tu proposes et le but est de faire de la musique. Si au tout début du hip hop, les atomes crochus peuvent servir de vecteur aux rencontres, tu te rends compte au fil du temps que seule la musique et la bonne musique vont te conduire à interagir avec des personnes intéressantes. »

Le succès… il ne nous apprend rien, il nous rassure. Les erreurs, elles, testent notre capacité à nous surpasser. Alors DJ Duke, quelle est ta plus Big erreur et qu’en as-tu appris? « 1997-1998, date à laquelle j’ai voulu sortir mon album avec des Majors. Manquant de moyen financier, j’ai fait appel aux grandes maisons de disque. L’album était prêt et comptait des titres d’IAM, d’Assassin, Faf La rage. A la suite d’interminables discussions, l’album n’est pas sorti. Faire appel à des Majors a été ma plus grande erreur. » Erreur peut-être aussi déterminante que sa rencontre avec Dee Nasty, puisque depuis plus de trois ans, DJ Duke partage sa musique gratuitement sur internet et les réseaux sociaux. Indépendant, il tourne le dos aux créneaux médiatiques et institutionnels… un retour aux sources où la contre-culture du hip hop s’adresse à un public d’aficionados, sans chercher le succès populaire. « Cette volonté de partager ma musique sur le net est parti d’un délire. Un soir, j’étais seul chez moi; j’avais pris l’habitude de constamment créer des remixes, écouter des extraits américains a capella. Et avec internet, en un seul clic, je pouvais les partager avec le monde entier. Aujourd’hui, l’ère du CD est finie. Le support physique est mort, même si le vinyle est devenu un objet collector à la mode. Et il ne faut pas croire qu’il est mort à cause de tartanpion d’internet. Les vrais assassins du CD et du vinyle sont les points de vente:, à force de prendre tellement d’argent et de se cacher derrière une volonté mensongère de soutenir l’artiste. Moi, en tant qu’indépendant, la FNAC par exemple m’achète mon disque à 6 euro mais le revend à 17 euro. Le produit fini arrive entre leur main et il dispose d’une commission outrancière. Preuve de ce gros mensonge: quand les ventes de disques ont commencé à chuter, les soi-disants soutiens aux artistes ont remplacé les CDs par les jeux vidéos. Chacune de mes mixtapes est gratuite: lorsque j’en publie une nouvelle, alors la précédente devient payante au prix de 5 à 7 euro. Ce que j’aime avec notre système actuel, c’est l’implication des aficionados: ils pourraient télécharger ma musique illégalement, mais ils choisissent de ne pas le faire pour soutenir l’artiste. Finalement, tu offres ta musique, mais ton public joue le jeu et cela te permet de faciliter les rencontres en live. Internet, c’est mortel car je n’ai plus besoin de personne et je me confronte directement avec mon public. Je n’ai pas une maison de disque qui étrique ma créativité et je décide de tout. Je ne fais pas des millions, mais je suis un artiste heureux.« 

J’en conclue donc que DJ Duke – compositeur, producteur, réalisateur – ne dort pas. Pas nostalgique pour un sou: le « hip hop c’était mieux avant » est une phrase qui n’a aucun sens selon lui. Chaque matin, il écoute de nouveaux morceaux en quelques clics. S’il admet avoir connu une période extraordinaire dans la naissance de la culture, son évolution et son actualité sont tout aussi porteuses: il ne faut simplement pas s’endormir sur ses lauriers et constamment se renouveler.

A l’aube de 2014, finalement, c’est quoi un DJ? Une espèce en voix de disparition. « La pratique s’est démocratisée, un bar peut dorénavant prendre quiconque sait enchaîner des chansons. Mais les vrais DJs, il n’y en a plus tant que ça. Un DJ, c’est avant tout du travail, la perpétuation d’une manière de travailler. Être DJ, ce n’est pas que le son; c’est apporter son propre style. Le mien est intrinsèquement lié à la technologie qui me permet d’éditer la musique afin de la rendre plus fluide et de donner au public une sorte de mixtape live. » Oui enfin, entre nous, ça c’est la version courte parce que DJ Duke est un chef d’orchestre aux multiples facettes qui a su s’adapter, sans renier les origines du hip hop. C’est en quelque sorte un retour vers le futur à lui tout seul. Authentique, il est ce qu’il fait, dit ce qu’il est et fait ce qu’il dit.

Mais 2014, c’est surtout une nouvelle mixtape avec Fresh News by Steph prévue le 15 janvier, un maxi dès février ft The Alchemist, Sean Price & Oh No et un album Here Comes The City Brother en collaboration avec des artistes américains (tels que Shyheim, Shabaam Sahdeeq & Guilty Simpson) en septembre suivi d’un album français. Tous à vos téléchargements!

La nuit venue, quelques Bigs, parmi lesquels je fais partie, se sont bien évidemment donnés rendez-vous au Chat Noir. Installée au fond de la salle, juste derrière le bar, je ne peux apercevoir la scène. Mais aux premiers sons, vers 1h et quelques du matin, je le reconnais… Ce son puissant qui vous transperce les entrailles, des notes old school étonnamment fluides, le funk jamais très loin. DJ Duke nous fait voyager dans le passé qui semble totalement actuel. Là, toutes les déceptions, les combats que nous menons chacun à notre façon, les injustices, la vie parfois maudite s’envolent sur un beat qui nous transporte jusqu’à ce que jaillisse l’espoir d’un meilleur lendemain. Been Through it Alloui mais last night a DJ saved my life.

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