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15min avec Marina Abramovic

Lou Reed, Lady Gaga, Isabella Rossellini et les quelques 700’000 autres visiteurs sont venus s’asseoir en 2010 en face d’elle au MoMA, l’espace de quelques instants… L’artiste pendant ses trois mois de face à face a ainsi et de manière définitive imposé la performance comme un Art.

Reste un documentaire réalisé par Matthew Akers & Jeff Dupre (2012), les souvenirs pour ceux qui ont eu la chance de ce tête-à-tête et les oeuvres du titan, que vous pourrez découvrir lors de son exposition Landscapes à la galerie Bärtschi.

 

Aujourd’hui, c’est moi qui me tiens face au titan, ici, à Genève, dans un salon de l’hôtel Tiffany, quelques heures avant son vernissage.

Le titan, c’est elle. Il y a du grandiose, il y a du choquant, il y a surtout de l’art… et tout cela n’est pas nouveau, tout cela n’a pas attendu la vénération des stars d’aujourd’hui, le MoMA, ni même Bärtschi. C’est d’ailleurs la première phrase qu’elle prononce dans le documentaire: il a fallu 40 ans pour que le public, les médias, etc. reconnaissent en elle une artiste et non pas une malade mentale.

De 1974 jusqu’à nos jours, de Rhythm 5 jusqu’à Seven Easy Pieces, en passant par Lips of Thomas ou Balkan Baroque, elle semble avoir repoussé toutes les limites physiques et disséqué le psyché de la condition humaine.

Alors que vais-je bien pouvoir lui demander en 15 minutes? Une certitude, je ne lui poserai pas la question qui revient sans cesse: en quoi est-ce de l’art? Les cyniques, dubitatifs et autres incultes peuvent s’arrêter de lire tout de suite… S’il y a une vie après une rétrospective au MoMA? Elle le prouve notamment avec sa collaboration avec l’Opéra de Paris sur une chorégraphie du Boléro, la collecte de fonds qu’elle dirige afin d’ouvrir le Marina Abramovic Institute en 2014 prochain et la pièce de théâtre qu’elle a interprété aux cotés de Willen Dafoe et Antony, d’Antony and the Johnsons, Life and Death of Marina AbramovicLa mort… Déjà au 19e siècle, Nietzsche parle de l’Art comme d’un remède à la vérité. La seule vérité absolue: la mort. Un tableau se meurt… certes il peut être restauré. Une sculpture se meurt… certes elle peut être réparée. Une photographie se meurt… certes elle peut être ré-imprimée. Un graffiti se meurt… certes un autre le remplacera. La performance, elle, peut-être aussi réinterprétée à l’infini.

 

Avez-vous Marina Abramovic, à travers le dépassement de vos propres limites physiques, votre quête constante du lien entre le corps et l’esprit et l’immatérialité de vos performances artistiques, prouver l’immortalité de l’Art, où l’artiste nous libère de la mort au même titre que l’amour?

 

Je vais commencer par une belle phrase soufie: « la vie est un rêve et la mort se réveille » à laquelle je pense beaucoup. Mais vous savez, je serais incroyablement arrogante et égoïste si je pouvais me dire que j’ai résolu le mystère de la vie et de la mort et atteint l’immortalité artistique. Ce n’est pas à moi de le dire, c’est au public et aux personnes qui ont vraiment vécu mon travail. Je ne peux pas dire cela, mais je peux partager avec vous ce que j’essaie de faire.

Pour moi, il était très important de généraliser l’art de la performance. La vidéo et la photographie sont devenues un art courant, mais la performance a toujours été considérée comme un divertissement. Nous recevions des demandes par e-mail pour faire une performance lors d’un événement de musée ou d’une ouverture de galerie d’art devant des personnes tenant un verre de vin, à peine attentives. J’ai passé 40 ans de ma vie à imaginer et à créer des situations où la performance est comprise comme une forme d’art immatérielle où il faut vraiment être là pour en faire l’expérience car contrairement à un tableau accroché au mur, vivre une performance est invisible, vous avez besoin de le sentir. Et ça a été très difficile, d’autant plus qu’il y avait tellement de mauvaises performances, dont certaines des miennes qui ont désintéressé les gens.

Une bonne performance, c’est quand vous établissez un dialogue entre le public et l’interprète et cela peut être une expérience qui change la vie.

Ce faisant, j’ai découvert certaines choses: tout d’abord la longue durée d’une œuvre d’art est essentielle car notre vie est si courte et nous avons besoin que l’artiste arrive à l’état d’esprit afin de transmettre cet état d’esprit au public. Et cela demande du temps; le public a besoin de temps pour arriver à ce genre de vibration avec l’artiste. Deuxièmement, j’ai découvert que le public doit être considéré comme un individu plutôt que comme un groupe, en se concentrant sur une expérience individuelle, car le public en a assez de se faire dire quoi faire, comment se sentir et où regarder.

Pour changer, nous ne pouvons pas compter sur l’expérience de quelqu’un d’autre, nous avons besoin de notre propre voyage, nous devons faire ce voyage et c’est l’idée derrière mon Institut: créer une plateforme où le grand public, pas la jet-set ou l’art des gens en particulier, mais tout type de personnes de toutes croyances religieuses et de tous milieux sociaux, signent un contrat de 6 heures avec moi, se donnant du temps et acquérant de l’expérience. Ensuite, c’est à cette personne de déterminer si elle peut l’appliquer à sa propre vie, si cela la changera et comment cela affectera ses croyances. L’Institut ne concerne pas mon travail, c’est une image beaucoup plus grande. J’aime l’appeler un spa culturel où l’art, la technologie et la science, la spiritualité se rejoignent, une nouvelle idée du Bauhaus mais au 21e siècle. Dans notre société occidentale, nous ne vivons pas avec l’idée de mourir. Mais si vous le faites, si vous pensez que chaque jour peut être le dernier jour, vous arrêtez simplement les conneries et vous y allez. Vous ne perdez pas de temps pour des choses sans importance et vous vous concentrez. Et pour moi, un artiste doit être au service de la société, il doit être l’oxygène en se posant les bonnes questions. Pas nécessairement toujours donner des réponses ou changer la vie de quelqu’un, mais vraiment se concentrer sur les choses importantes.

Je veux montrer aux gens, en leur disant que pour chaque dollar que je reçois, ils auront un câlin, à quel point c’est important pour moi: c’est une question de vie ou de mort pour moi. C’est tellement plus facile de critiquer comment la vie peut mal tourner que d’essayer d’aider l’humanité à un niveau personnel. Peut-être que je me trompe, peut-être que tout ce projet n’est qu’une utopie mais je ne saurai jamais si je n’essaye pas.

 

Hypnotisée par sa voix que je ré-écouterai un millier de fois sur mon enregistreur, à peine ses 15min avec Marina Abramovic passées , je me suis connectée à mon e-banking et j’ai transféré un don afin de soutenir le MAI. Le montant était little être Big cependant, c’est de croire aux utopies. Et étant donné que j’avais reçu le fameux hug des bras de l’artiste, je ne pouvais que le lui rendre de cette façon aussi. Inutile de vous préciser que si vous nous lisez jusqu’ici, je vous encourage non seulement à visiter l’exposition Landscapes à la galerie Bärtschi mais aussi de participer à travers vos dons à cette même utopie.

Photographie ©ArtistPortraitwithACandle(A)– MarinaAbramović- GalerieBärtschi

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