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15min avec Véronique Bettencourt

Sur scène, elle s’appelle Solange Dulac et elle est artiste. Et Solange se demande si la perspective de réussite ou de succès est l’unique moteur lorsque comme elle, nous avons fait le choix de l’art. Je la rencontre le 10 mars 2015, le soir de la première d’un “spectacle vivant” intitulé: Le Fantasme de l’Echec au Théâtre Saint-Gervais.

Dans la vraie vie, Solange Dulac s’appelle Véronique Bettencourt et elle est artiste. Une artiste aux multiples facettes: réalisatrice, comédienne, chanteuse, elle collabore aussi depuis 2001 aux créations théâtrales de la compagnie lyonnaise Fenil Hirsute. Je la rencontre à l’ancien Café Bizarre qui n’a plus rien de bizarre puisqu’il donne à présent La Réplic’.

Qu’est-ce qui vous a motivé pour entreprendre Le Fantasme de l’Echec? Est-ce la perspective d’une réussite? (rires communs… lol si vous préférez)
C’est peut-être un sujet qui a commencé à m’intéresser lorsque moi-même j’ai été confrontée à ce dernier dans mes propres projets. En France, pour aboutir un projet artistique et le rendre économiquement un peu viable, cela passe par des dossiers, par de l’écrit pour obtenir un minima de fonds. Et les lettres de refus ont commencé à pleuvoir. Depuis toujours, je suis entourée d’artistes: mon entourage proche est fait de gens qui se débrouillent avec leur art et la vie; je me suis demandé pourquoi certains continuaient alors qu’il n’y avait pas de signes très flagrants de… réussite. Que cela ramait toujours mais que “the show must go on”.

Dans son propre projet, Véronique Bettencourt nous révèle ses multiples facettes et mélange sur scène le chant, le documentaire, la fiction. Solange Dulac est donc accompagnée d’un écran de projection, d’un clavier yamaha, de micros, d’ardoises, d’un lecteur dvd, d’un projecteur super 8 qu’elle bricole et utilise dans son périple. Le spectateur se voit ainsi contempler une sorte d’arte povera théâtral où chaque objet fait du sens, se répond: le chant devient l’écho d’une projection, le clavier accompagne l’ardoise, etc. L’ennui ne vous gagne jamais: la rythmique de la pièce brise ainsi la conversation entre les personnages.

Et la réussite dans tout cela, Véronique Bettencourt, vous êtes vous posée la question si la pièce allait trouver son public?
J’ai envie… j’aimerais que les choses marchent… Un minimum. Je rêve qu’un projet en amène un autre… C’est difficile de répondre. Et c’est ce que j’aime bien dans ce processus d’aller interroger les autres, c’est presque un peu protecteur. J’adhère ou je me retrouve dans une réponse mais ce que je pense de tout cela? Je ne rêve pas cependant d’une facilité absolue. Je ne pense pas que d’être applaudie tout le temps permet d’être heureux, je ne suis pas sûre que cela soit très porteur mais il faut de temps en temps, il faut des encouragements pour que quelque chose se passe. Et quand ces choses se passent, il faut y aller, car on ne vous attend absolument pas.
Je me rends compte avec ce projet que j’ai pu réunir tout ce que j’aimais alors qu’auparavant, je voulais être chanteuse, ou documentariste ou comédienne. Je suis assez heureuse de cet objectif. Trouver les moyens aussi de rémunérer les gens. Car plus on grandit, plus on vieillit, tout ce que l’on fait avec les uns et les autres, avec des bouts de ficelles et avec notre simple motivation, tout le monde s’épuise un peu à force. L’argent n’est pas toujours le nerf de la guerre, mais il en faut quand même un peu, non?

Je lui réponds oui du tac au tac mais dans ma tête, cette notion de réussites et d’échecs, le rapport à l’argent est très confus. Et je compatis lorsque Véronique Bettencourt cherche ses mots: le sujet bien qu’il fait appel à des notions que nous avons l’habitude d’entendre tous les jours, est moins abordable qu’il n’y paraît. Déjà, qu’est-ce que cela veut dire réussir? Je vous le demande, à vous qui lisez ces quelques mots. Gagner de l’argent? S’accomplir? Être reconnu? Être heureux? Mais qu’est-ce que cela veut dire d’être heureux? Ressentir ce sentiment? Fonder une famille? Regarder un film? Faire carrière? Autant de réponses diverses auxquelles Solange Dulac se confronte dans le monde de l’art: le réalisateur Merejkowski fait ce qu’il fait pour rencontrer des gens. D’autres affirment que sans art, sans création, l’air est irrespirable. Et finalement, je comprends petit à petit que la réponse importe peu; Véronique, me semble-t-il, s’intéresse plus à la manière dont chacun l’exprime. La distance aussi que chacun prend pendant l’interview.
Je repense à cet instant à Marie Claire Cordat, performeuse, qui sur scène, à travers un écran, fustige Jeff Koons (et oh combien je la comprends), tenant ainsi son rôle d’artiste engagée et révoltée. “Elle ne serait pas très heureuse si elle exposait…” commence Véronique… à Beaubourg dis-je pour terminer la phrase. Et nous rions à nouveau.

A travers son personnage, elle va renouer avec quelques artistes (parmi la vingtaine qu’elle a interviewé) qu’elle avait perdu de vue et ce fut un plaisir me dit-elle. C’est une certaine forme de réussite alors que de renouer avec son passé, de tisser à nouveau des liens? Elle acquiesce en souriant. Mais elle précise que ce projet ne s’est pas fait uniquement dans la joie: il y a le projet artistique, ce qu’il apporte mais il y a aussi sa mise en place qui je le ressens à ces explications fut et peut-être le reste encore un parcours du combatant.

Véronique doit retrouver Solange et son public (comme chaque soir jusqu’au 21 mars 2015). Je la quitte, à regret… Avec une certitude, celle de retourner voir la pièce avant qu’elle ne parte à la rencontre d’un autre public.

Photographie © Louise Kelh

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